Etre aimé ou aimer ?

La grande majorité de nos faits et gestes sont motivés par un seul et unique but : être aimé. En effet, nous faisons tout pour être apprécié, aimé, chéri... Ainsi nous cherchons à nous soigner car nos plus grandes blessures intérieures proviennent d'un manque d'amour, qu'il soit réel ou imaginaire.

Si mes parents ne m'ont pas donné assez d'amour, je passerais ma vie à le rechercher à l'extérieur de moi.

Si mon partenaire n'est pas assez affectueux, je remettrais en doute ses sentiments et par conséquent ma "valeur".

Si je reçois une parole blessante, je perdrais confiance en moi...

Cette quête d'amour fait de nous des êtres vulnérables et dépendants des aléas extérieurs, des gestes, des paroles, des pensées d’autrui. 

C'est ainsi, nous voulons à tout prix être aimés. Pourquoi ? Parce que nous sommes le nombril de notre propre monde. Nous prenons toujours tout "pour nous" ou "contre nous". Pourtant, si on y regarde de plus près, l'autre vit exactement de la même manière, il fait tout par rapport à lui-même :

Mes parents ne m'ont pas donné assez d'amour car ils n'en avaient au préalable pas assez pour eux.

Mon partenaire n'est pas assez affectueux car il ne sait pas se donner à lui-même tout ce qu'il mérite.

Une personne émet une parole blessante lorsqu'elle n'a pas su trouver la paix en elle-même.

Finalement, ce que nous blesse, ce que nous considérons comme un manque d'amour, n'est rien d'autre qu'une histoire que l'autre a à régler avec lui-même et dont nous sommes les miroirs. 

Nous sommes les seuls à avoir un accès direct à notre cœur et pouvoir l'emplir de bonheur. Bien sûr, nous pouvons confier nos clés à quelqu'un d'autre, et nous le faisons presque tout le temps, mais cela n'est jamais totalement épanouissant puisque l'autre cherche lui aussi à être aimé avant tout. Dans ces conditions, l'amour est à sens unique, on veut, on désire, on souhaite, on attend... Pourtant, il est vain de chercher l'amour en dehors de soi car nul ne peut réellement remplir notre coupe. 

Ce besoin d'être aimé est si fort qu'il oriente nos choix, il nous empêche d'être qui nous sommes, car nous pensons à tort que nous dévoiler est trop risqué, nous pensons que nos différences sont un obstacle et qu'elles nous séparent alors nous portons des masques et tentons de nous adapter, de rester discret, pour cela nous-nous étouffons, nous étouffons notre être, mais peu importe pourvu que l'on nous aime !

Nous vivons donc inconsciemment dans l'attente et la peur et cela fausse nos relations. Cette peur de déplaire est très pesante et génère bien de l'anxiété, des maux et de la tristesse. Notre besoin d'être aimé devient alors une véritable croisade, une obsession dans laquelle on se perd.

En effet, tout faire pour être aimé est un mensonge dans lequel on s'enferme, et ce mensonge ne s'arrête pas là puisqu'on en arrive par la force des choses à mentir à l'autre, à se cacher et ne pas être authentique.

Pourtant, la base d'une relation saine et sereine est la confiance.

Et si nous-nous trompions ? Si nous passions finalement à coté de notre vraie mission ?

Notre but ici bas n'est pas celui d'être aimé mais d'apprendre à (s')aimer. Bien entendu cela commence par soi-même, apprendre à être vrai, apprendre à voir notre beauté, apprendre à être heureux et s'épanouir, puis, apprendre à aimer l'autre. D'ailleurs, lorsque l'on s'aime, l'amour pour l'autre est totalement naturel car il n'est pas le fruit d'attentes ou d'enfermements.

Quand on expérimente cela nous sommes dans l'amour véritable nommé amour inconditionnel. Est-il possible de ressentir cela en étant incarné ici-bas ? Je ne le sais pas ! Mais on peut imaginer cet amour de la sorte : 

Une table posée entre des partenaires (conjoints, famille, amis...), sur cette table chacun y pose ce qu'il a à offrir et laisse l'autre se servir à volonté. Aucun des partenaires ne compte ce qu'il a posé, d'ailleurs sur la table tout se mélange, tout est à portée de chacun selon ses envies et ses besoins. Cette table devient un trait d'union entre les personnes. Si l'un des partenaires a de la peine il trouvera des mouchoirs; si l'un des partenaires a de la joie il trouvera un éclat de rire; si l'un des partenaires choisit de prendre une autre voie il trouvera un plan. Car l'amour véritable donne plus qu'il ne retient, il offre plus qu'il ne demande. J'entends déjà certains dire "oui mais à trop donner on risque de se laisser abuser", et je répondrais que lorsqu'on s'aime assez on sait dire "stop" quand cela est nécessaire afin que l'autre apprenne à son tour à (s')aimer sans prendre ou retenir. 

Et si nous apprenions à aimer ?

 

Emilie Dedieu