L'immobilité

J'aimerais revenir sur un point important et parfois mal interprété, celui de l'immobilité.
Et pour en parler je vais tout d'abord définir son inverse : l'agitation.

L'agitation nous bloque l'accès à nous-même, car elle est un mouvement constant qui nous empêche de nous laisser traverser par la lumière, mais aussi d'émettre notre propre lumière. Plus nous sommes agité plus nous nous sentons séparé de notre prochain car nous ne parvenons pas à nous relier au grand Tout, plus nous sommes agité moins nous comprenons la notion de moment présent car nous basculons sans cesse du passé au futur, mais aussi, agité nous ne permettons pas à notre lumière de briller car celle-ci s'en retrouve dispersée.
L'agitation fait du bruit, autant sur le plan physique que sur la plan subtil, il suffit de taper des mains pour l'expérimenter. Sur la plan invisible, ce sont nos émotions qui font du bruit et nous agitent, et plus l'émotion est puissante plus le bruit est fort. Et si l'émotion reste bloquée car nous sommes trop agité pour trouver une issue, elle va se manifester sur le plan physique par une maladie. L'agitation est donc un cri qui nous empêche d'entendre notre intérieur.

Ainsi, le bruit, l'agitation, est une absence de sérénité qui nous voile notre nature véritable.

Lorsque nous sommes agité nous résistons à la lumière, que ce soit la lumière extérieure qui entre en nous, tout comme celle intérieure qui s'en échappe, l'équilibre réside dans ce savoureux mélange entre la lumière que l'on reçoit et celle que l'on émet.

La société dans laquelle nous évoluons nous invite à l'agitation, il faut aller vite, consommer, jeter, se lever tôt, travailler, manger sur le pouce, regarder sa montre, faire vite et toujours plus vite, finalement, nous prenons rarement notre temps, il semble tellement nous en manquer que nous courrons derrière lui, nous le cherchons dans une agitation sans fin. Et se placer ainsi dans la recherche n'est pas accueillir, être, briller.
Alors, pour palier à cela, nous sommes attiré par des pratiques qui poussent à ralentir, à être moins agité, comme la méditation, le yoga, la contemplation. Ces pratiques sont bénéfiques sur le moment, lorsque l'on est en mesure d'accueillir ce qui vient, mais, dès que l'on reprend notre course effrénée le silence n'est plus qu'un lointain souvenir. Alors, nous continuons à pratiquer diverses techniques pour retrouver le calme, puis le perdre à nouveau, ceci est une boucle sans fin. C'est une façon d'équilibrer la balance, je m'agite 10 heures par jour, alors je médite 10 minutes chaque soir avant de m'endormir, pour me ré-agiter le lendemain puis méditer à nouveau le soir venu...
Et si la solution était de bloquer la balance une bonne fois pour toutes, qu'elle ne penche ni à gauche ni à droite ?

Car en réalité la clé est dans l'immobilité de l'esprit, le silence est dans la non-action, c'est le fait de ne rien faire qui laisse passer la lumière et permet à la paix de s'installer. Etre immobile ne s'apprend pas, on n'apprend pas à accueillir sa lumière, autrement on retourne à son agitation, à la recherche, au manque que l'on cherche à combler.

Pour être (immobile) il faut se détacher de nos croyances, celles qui nous dictent que "faire c'est être". On peut être dans l'immobilité bien plus souvent qu'on ne le pense, même durant nos "tâches", par exemple, je peux faire ma vaisselle en étant bien ancrée dans le moment présent, sans me préoccuper de ce qui va arriver, sans me soucier de ce qui s'est passé hier, sans être en colère de devoir laver cette vaisselle, être simplement ici et maintenant et dans l'accueil, en observant la mousse, en écoutant le bruit de l'eau, en admirant le travail bien fait, en étant dans la gratitude de pouvoir faire ma vaisselle...

Les plus belles œuvres de ce monde sont nées de l'immobilité, lorsqu’elle a été accueillie pour ensuite se transformer en matière, l'inspiration naît de l'immobilité, les artistes comprennent à quel point plus on cherche et moins ça vient.
La nature est le reflet de l'immobilité, une graine accueille ce qui vient, dans le silence et la paix, pour devenir une magnifique fleur. Un quartz est si pur qu'il se laisse entièrement pénétrer par la lumière, pour la diffuser et la multiplier. Quand la nature s'agite, et cela arrive lorsque les hommes se noient dans leur propre agitation, tout ne devient que destruction.

Prenons un verre transparent, versons-y quelques centimètres de sable, puis nous remplissons le reste du verre avec de l'eau. Observer le résultat sera très apaisant, il y aura tout au fond du verre le sable, dense et immobile, et au dessus l'eau, claire, limpide et elle aussi immobile. Et si d'un coup l'on venait à agiter le verre, sable et eau se mélangeraient jusqu'à créer une texture grisâtre et confuse, plutôt désagréable à regarder, des petites vagues feraient déborder le verre et le tout ne ressemblerait plus à rien. Il en est de même quand nous sommes trop agités, nous ne laissons pas le temps aux éléments de prendre leur place en nous, et surtout nous empêchons la lumière de nous traverser.

L'absence de lumière est simplement une absence d'immobilité et de silence, l'agitation créé une forme d'incohérence.

Prenons le temps d'observer, de contempler, de ne rien faire, de rêver.
Si nous changeons constamment de fréquence comment entendre la musique que joue notre âme.

Voilà pourquoi la lumière passe par l'immobilité de l'esprit, qu'il ne sert à rien de convaincre, persuader, chercher à prouver, brillons il ne nous est rien demandé de plus.

 

Emilie Dedieu