Accuser pour s'innocenter

Il y a quelques années, deux de mes enfants sont partis en colonie de vacances, j'ai donc effectué l'inventaire de l'avant-départ, chose assez pénible je dois l'avouer. Je l'ai fait sans présence, presque machinalement, 3 pantalons par ci, 6 paires de chaussettes par là, etc, si bien que j'ai omis une chose essentielle : leur maillot de bain ! Lorsque nous ne sommes pas centrés, loin du moment présent et à ce que nous faisons, le résultat de nos actions s'en retrouve bancal. Ma fille m'a donc téléphoné une fois arrivée sur son lieu de vacances, me demandant si j'avais bien mis son maillot de bain dans la valise, j'ai du lui répondre que "non", en poursuivant qu'elle était à mes côtés lors de l'inventaire et qu'elle aurait du me le signaler, en ajoutant que j'étais fatiguée au moment de boucler les valises. Finalement, j'ai commencé à rejeter une partie de la faute sur ma fille, sur ma fatigue et ailleurs. Comme pour signifier que j'étais innocente...

Quelques minutes plus tard, ma fille m'a rappelée pour me demander où était le-dit inventaire, car elle ne le trouvait pas non plus dans ses affaires. Je lui ai alors répondu que je l'avais déposé dans une poche de la valise, une poche qui n'en était pas vraiment une je le savais puisqu'elle avait un fond ouvert. L'inventaire avait certainement glissé et s'était perdu. Un peu gênée, j'ai immédiatement répondu que ce n'était pas ma faute si la pochette ne possédait pas de fond fermé, en ajoutant que si la feuille s'était envolée cela était sans doute car la valise avait été malmenée dans le car. Je n'y étais pour rien après tout... puis, je me suis aperçue que l'Univers avait envoyé cette double expérience dans le but de mettre en lumière ces mécanismes dont nous usions, et que je venais d'utiliser, afin de prouver que nous étions innocents !

J'emploie le mot innocent car il est celui cité dans le texte, mais on peut tout aussi bien dire "bon", "honnête", "bien", "pur", "irréprochable"...

N'avez-vous jamais remarqué que lorsque quelqu'un vole intentionnellement dans un magasin, il va dans un premier temps affirmer qu'il a oublié de sortir l'article de son sac, pour plaider son innocence. Et, finalement, s'il assume avoir commis la faute, pour clamer son innocence il va alors accuser le magasin de pratiquer des prix trop élevés, donc il n'avait pas d'autres choix que de voler. L'on veut toujours être le "bon", par conséquent, l'autre, la situation, l'expérience, doit être le "mal".

L'exemple le plus parlant se trouve dans les relations de couple, en effet, lorsqu'il y a dispute chacun tente de (faire) croire en son innocence, et pour cela on accuse volontiers l'autre de tous les maux, car, pour prouver que l'on est le gentil il faut diaboliser l'autre. Alors, on incrimine notre partenaire. Parfois, avec (fausse) humilité, on accepte d'avoir aussi notre part de responsabilité dans la dispute, mais, tout en clamant haut et fort que l'autre a fait pire, car si l'autre est pire on reste le "bon" de l'histoire. En réalité, on interprète tout de la façon qui nous arrange le mieux, qui nous place en tant que personne la plus innocente possible, et l'autre fait bien souvent de même de son côté. Et pour (nous) convaincre de notre innocence nous pouvons même aller jusqu'au mensonge et la manipulation, en rejetant ou inventant des fautes ailleurs. Et ce qui est édifiant, c'est que plus l'on agit maladroitement plus on tient à se faire passer pour innocent, en se trouvant des excuses, des prétextes, des raisons, en rejetant notre rôle, en accusant et incriminant, c'est la loi du balancier pour s’innocenter on doit accuser.

Tous les conflits commencent ainsi.

Comprenons qu'il n'est pas nécessaire d'agir comme des personnes innocentes en incriminant la Vie, les autres, nos relations, cela nous place soit en victimes, soit en juges, mais en aucun cas en créateurs de nos vies. De plus en jugeant ou accusant nous nous séparons du grand Tout.

Et si nous nous acceptions tous, ici et aujourd'hui, tels que nous sommes : ni meilleur, ni moins bien qu'autrui ! simplement des êtres parfaits à travers nos imperfections. Nous sommes tous innocents jusqu'à ce que nous (nous) jugions !

 

Emilie Dedieu